Résumé :
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A l'heure où l'Europe se voit proposer en guise d'unité une uniformisation technocratique reniant toute racine chrétienne, on aurait tort de passer sous silence l'influence de Luther dans les grands débats d'idées qui ont secoué notre continent depuis la fin du, Moyen Age. Luther se pose nettement en réaction contre l'ordre que le Moyen Age appelait la Chrétienté, qui n'était pas seulement une société où la vie était rythmée par les heures de prière et les fêtes religieuses, mais beaucoup plus une société soumise à l'ordre naturel que l'on savait établi par Dieu le Créateur. Tout était hiérarchisé et concourait à empêcher l'individu de se prendre pour le centre du monde. Des failles apparaissaient bien sûr dans ce bel ordre, des volontés de puissance féodales ou royales s'entredéchiraient trop souvent, mais le principe chrétien incarné par l'église s'imposait à tous et les couronnes chrétiennes étaient comme fédérées sous la tiare. Dés le XIVe siècle, des théologiens se mirent à penser que l'homme était à l'étroit dans cet ordre de choses et tentèrent de fonder le droit sur la libre volonté des individus, chacun étant directement relié à Dieu. De grands désordres religieux, intellectuels, économiques et politiques s'ensuivirent dans le déchaînement des hégémonismes provoqués par la guerre de Cent Ans. Cette impatience à se dégager de l'autorité, de la hiérarchie, de la tradition se manifesta particulièrement pendant la Renaissance et c'est dans ce contexte qu'apparut Luther, moine augustin de Wittenberg.La séparation de l'homme et de Dieu jusque dans le sein de la religion est assurément le grand "exploit" de Luther. Nul encore n'avait osé émanciper à ce point la raison humaine. Les grandes questions soulevées par lui (la grâce, les oeuvres, la liturgie, la confession...) ne se comprennent que reliées à cette volonté de changer l'Eglise dans son essence. Cette proclamation de la souveraineté de la raison individuelle eut évidemment des répercussions politiques. Jacques Maritain, qui n'était pas tendre avec Luther, a écrit que "Luther est à la source du volontarisme moderne".
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