Le large écho qu'a rencontré cet ouvrage depuis sa publication tient à la thématique "foi et savoir" comme chaîne sur laquelle se trame une histoire de la philosophie. Habermas rompt avec l'habitude de "sauter", au motif qu'ils seraient inessentiels, les processus d'apprentissage à l’oeuvre au cours des mille années de discussions entre théologiens chrétiens et juifs, mais aussi musulmans, tous formés à la philosophie - comme si la philosophie grecque faisant autorité n'avait trouvé un prolongement scientifique qu'avec l'humanisme des débuts de la modernité. Les processus de traduction réciproques qui se sont déroulés entre les doctrines bibliques et la philosophie grecque ont eu pour résultat la théologie chrétienne et la pensée philosophique moderne. Cette "osmose conceptuelle" a continué de se dérouler au fil des siècles, y compris sous les prémisses d'une pensée séculière, voire, pour ce qui est du Jeune-hégélianisme, sous des auspices polémiquement athées. Cela vaut avant tout pour les concepts fondamentaux du droit de la raison et de la morale de la raison, pour la thématique de la liberté rationnelle, ainsi que pour l'ontologie nominaliste qui prépara le cadre conceptuel fondamental des sciences naturelles modernes et des éthiques empiristes. Le fil de la discussion sur la foi et le savoir explique pourquoi les éthiques respectives de Kant et de Hume ont forgé jusqu'à nos jours des traditions qui rivalisent entre elles sans pouvoir se réconcilier. En effet, la philosophie post-métaphysique se ramifie à l'endroit précis où les questionnements de Kant sont soit assimilés par ses successeurs et raffinés par eux, soit abandonnés au bénéfice des approches empiristes. Ces deux traditions qui se sont toutefois mutuellement fécondées apportent des réponses différentes mais complémentaires à la question de la conception appropriée que la philosophie doit se faire d'elle-même en tant que discipline professionnelle.
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