L'Etat et les religions en France Comment faire vivre ensemble des individus égaux en droits et différents par leurs convictions? Pour répondre à ce défi venu de l'avènement de la modernité et de la déconstruction de l'unité de foi qu'elle a impliquée, la France a instauré, à partir de 1789, un régime «laïque» d'existence politique: l'Etat se plaçait hier au service de la vérité religieuse; on lui assigne désormais de simplement assurer, dans l'ordre, la liberté de conscience de ses assujettis. Ce régime de sécularité ne s'est pas fixé toutefois dans un modèle unique d'articulation de la relation entre le pouvoir politique et les communautés de croyances. Au cours des deux siècles qui viennent de s'écouler, tout en s'adossant, continûment, au double principe de neutralité de l'Etal et de liberté de conscience, la politique religieuse de la France a épousé des formes variées, sous la pression des conjonctures politiques, et, plus encore, des transformations de la figure même de la modernité. Le présent ouvrage se propose de rendre compte de ces mutations, en repérant, depuis la Révolution, trois grands moments dans l'agencement de la laïcité. La première étape, qui court du régime napoléonien à la Troisième République, laisse apparaître, selon la logique concordataire, un modèle d'alliance officielle de l'Etat et des cultes. Avec la Troisième République s'inaugure le moment de la séparation, qui trouve son point de cristallisation dans la loi du 9 décembre 1905. La logique qu'il dessine se trouve remise en cause à partir des années 1960: s'impose alors un système inédit de reconnaissance, fondé sur un partenariat implicite entre l'Etal et les forces religieuses, dans un contexte marqué par l'expansion croisée des revendications identitaires et des angoisses sécuritaires. Celte approche aboutit à questionner fortement les théories pérennalistes qui entendent penser la laïcité hexagonale dans la stabilité de son concept originel. Elle rappelle, à l'inverse, qu'en France même, la politique des cultes s'est toujours construite de manière vivante, dans l'interaction sans cesse renouvelée du culturel, du social et du juridique. Philippe Portier est directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (Paris-Sorbonne). Il est également directeur du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (EPHE-CNRS). Il a publié récemment La métamorphose du prince. Culture et politique dans l'espace occidental, Rennes, PUR, 2014 (dir. avec Catherine Colliot-Thélène), Laïcité, laïcités. Reconfigurations et nouveaux défis, Paris. Editions de la Maison des sciences de l'homme, 2015 (dir. avec Jean Baubérot et Micheline Milot), et Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous, Paris, Editions de la Maison des sciences de l'homme, 2015 (avec Céline Béraud).
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